(Photo : Le Newton d’Apple fut un échec commercial et abandonné en 1998. On peut aussi y voir un précurseur de l’ipod, de l’iphone et de l’ipad. Quant à la possibilité de dessiner avec un stylet, ça rappelle une certaine montre connectée… – Photo loopinsight.com)
Il y avait de quoi être déçu, mardi soir, à l’issue de la conférence d’Apple retransmise en direct par la plupart des médias mondiaux. La montagne accouchait de deux souris : un smartphone plus grand et une montre connectée, des produits disponibles depuis longtemps chez les concurrents sous Androïd. Et pour rester dans le déjà-vu, Apple nous rajoutait un mini-concert de clôture par un groupe de rock des années 80.
Pourtant le public présent au Flint Center applaudissait à tout rompre et l’action Apple grimpait à la bourse. Logique : Apple venait de faire ce qu’elle fait le mieux et qui lui a permis de devenir la première capitalisation boursière au monde, à savoir une impro mesurée. Je m’explique. Apple n’est pas une entreprise d’artistes à l’imagination débridée ou de savants fous qui se lancent dans des aventures extravagantes. C’est une entreprise de designers et d’ingénieurs qui agrandissent prudemment (mais sans cesse) leur « zone de confort » (*). Depuis 2001, ils l’ont poussée de l’informatique graphique et domestique (imac) vers la musique numérisée (itunes) puis la musique nomade (ipod) puis la télévision (iTV et films sur itunes) puis la téléphonie (iphone) puis le multimédia nomade (ipod touch puis ipad).
1. La prise de risque mesurée
Pour conquérir de nouveaux marchés, Apple a toujours pris des risques. Des risques mesurés mais nombreux. On se souvient beaucoup des succès, peu des échecs (le Cube ou l’ipod phone, par exemple), des bonnes idées qui deviennent de mauvaises idées (les puces PowerPC) ou des innovations sans intérêt (le deal avec starbucks, la caméra sur le nano, l’ipod windows…). Pour avancer, il faut accepter l’erreur.
2.Le « Oui et… »
Apple a la capacité de repérer ce qui se fait de mieux dans le monde, de l’améliorer (ou de l’embellir, le miniaturiser ou le simplifier) et de le commercialiser au moment où le marché est prêt à l’adopter. Ecoute de la concurrence, écoute du marché, « oui » puis construction sur le « oui ». Apple est le champion du « Oui et… ». Ce n’est pas nouveau. L’invention de l’interface graphique du Macintosh était déjà un bel exemple de « Oui et… ».
Jusqu’au début des années 80, travailler sur un ordinateur signifiait taper des lignes de codes. En 1984, le macintosh propose une interface graphique totalement différente qui permet de « cliquer » sur des « icônes » par l’intermédiaire d’une « souris » pour ouvrir des « fenêtres » qui contiennent de l’information. Cette première révolution technologique amenée par Apple (la société rééditera son exploit avec l’iphone et son fonctionnement multitouch) n’est pas le fruit du hasard (ou d’une pomme qui serait tombée sur la tête de Steve Jobs) mais d’un travail d’observation soigneusement préparé puis d’un long travail d’amélioration des technologies disponibles.
L’observation pris place au centre de recherche en informatique le plus réputé de l’époque, le « PARC » de la société Xerox. Cette histoire est connue mais on en ignore généralement une facette : Jobs a négocié cette visite de 3 jours avec son équipe technique. Il a échangé le droit de voir les secrets de Xerox contre la vente de 100.000 actions Apple, le prix à payer pour pouvoir « écouter » (voir à ce sujet l’article du NewYorker « Creation Myth : Xerox PARC, Apple, and the truth about innovation« ).
Ecouter, accepter, construire dessus, prendre des risques, s’adapter… c’est le talent d’Apple… C’est aussi le langage de l’impro.
(*) zone de confort : espace gagné par l’expérience dans lequel on comprend bien la demande des clients et on sait y répondre par des produits et des services adaptés.