La force du non-verbal : Comment passer d’un aveu de faiblesse à un signe de ralliement


Angela_Merkel_Juli_2010_-_3zu4(Photo : La chancelière allemande Angela Merkel forme avec ses mains le célèbre « Losange de Merkel » – Photo sous licence CC par Armin Linnartz)

Une personne publique doit faire attention à sa communication non-verbale. Le ton de la voix ou les mouvements du corps en disent souvent plus que les mots (voir à ce sujet les fameuses études d’Albert Merhrabian et Michael Argyle). La posture la plus recommandée est toujours de se tenir droit, ancré dans le sol et les bras le long du corps. C’est aussi la posture du comédien de théâtre ou de standup.

Ceux qui « ne savent pas quoi faire avec leurs mains » ont du mal à tenir leurs bras le long du corps et optent souvent pour une position très discutable : la « feuille de vigne ».

La photo ci-dessous, visible sur le site de la Bibliothèque présidentielle JF Kennedy, montre les présidents Kennedy et de Gaulle ainsi que Jackie Kennedy sur le perron de l’Elysée en mai 1961. Les deux présidents sont dans la position recommandée du leader (ou de l’acteur) alors que Jackie serre les mains devant son ventre. Cette position en feuille de vigne évoque la pudeur, la candeur ou l’ingénuité, ce qui, finalement, correspond assez bien à l’image que le monde se faisait de l’épouse du président américain.

de-gaulle-kennedy-1961-jfklibraryIl n’en va pas de même pour Angela Merkel ! La chancelière allemande ne sait non plus quoi faire avec ses mains mais la position qu’elle a choisie n’évoque pas la candeur ou l’ingénuité (ce n’est pas ce que les Allemands attendraient de leur chef).

L’année dernière, Angela Merkel a révélé que la fameuse position en losange de ses mains (les Allemands l’appellent le « Merkel-Raute ») ne lui avait pas été conseillée par une spécialiste, comme on le pensait jusqu’alors, mais avait été un choix personnel quelque peu… improvisé (voir l’article de Slate.fr).

Je ne suis pas sûr qu’un conseiller en image aurait recommandé le Losange de Merkel, ne serait-ce que pour la connotation sexuelle assez évidente qu’on peut voir dans ce geste (une sorte d’inversion de la pudique « feuille de vigne »). De fait, la chancelière et son losange ont fait l’objet de moqueries incessantes. Comparons d’ailleurs à ce sujet le traitement de faveur de Michelle Obama par les médias et le dénigrement systématique d’Angela Merkel. Angela ne souffre-t-elle pas, dans les yeux de certains, de deux handicaps par rapport à Michelle :

1. Elle est rondouillarde et pas très sexy,

2. C’est elle qui est au pouvoir (et pas son mari).

En écrivant cet article (et en regardant l‘entretien que la chancelière a accordé au magazine féminin allemand Brigitte), je me suis demandé si le losange que Merkel forme devant son ventre ne veut pas dire : « Oui, je suis une femme et si ça vous pose un problème, je vous em***** ! »

En septembre 2013, Merkel brigue un troisième mandat à l’occasion des élections fédérales pour le Bundestag. Le geste de la « femme rondouillarde qui ne sait pas quoi faire avec ses mains » devient le signe de ralliement de son parti, la CDU.

Une immense affiche est installée à la gare centrale de Berlin. Il s’agit d’un photo-montage de milliers de photos de mains qui représente le « Losange de Merkel », accompagné du slogan « L’avenir de l’Allemagne en de bonnes mains ».

detournements-losange-merkel-affiche-CDU-2013L’affiche fait l’objet d’un détournement immédiat. Des dizaines de photos circulent sur internet. On y voit Mr Burns ou Mao Tse Toung arborant le Merkel-Raute. Ironiquement, n’est-ce pas le signe de l’acceptation par tous de ce geste improvisé : il est entré dans la culture pop allemande et fait maintenant partie de l’histoire du pays.

Signalons que, suite aux élections, l’improvisatrice est restée à la chancellerie fédérale, portée par le meilleur score réalisé par son parti en 23 ans !

La morale de cette histoire ? Peut-être que le geste compte moins que la personne qui fait le geste… ou qu’il faut savoir faire confiance à son instinct… La chancelière est restée fidèle à elle-même. Elle a finalement imposé son image. Une victoire de la confiance en soi ?

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